4 mars 2010

L'avenir des fabricants de semiconducteurs sur le territoire français s'assombrit

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ST-Ericsson, Atmel, Altis, E2V, Freescale… Les fabricants de puces installés en France sont plongés dans d'importants plans sociaux et accélèrent leur mouvement de délocalisation en Asie. Ils appellent à un assouplissement des règles de concurrence européennes, très strictes sur les aides publiques, et misent sur les technologies de pointe
Simple geste politique ou vraie volonté industrielle ? Hier, à Caen, le Premier ministre François Fillon devait rencontrer rapidement les syndicats de la société ST-Ericsson, détenue à moitié par STMicroelectronics et Ericsson. Depuis une semaine, des salariés occupent une salle de leur usine pour protester contre la fermeture, annoncée par la direction, de ce site de 114 salariés, spécialisé dans la fabrication de circuits intégrés pour la téléphonie mobile. Les syndicats contestent notamment la justification économique du plan social, appelant l'Etat, actionnaire à 14 % de STMicroelectronics, à intervenir. En réponse, le ministre de l'Industrie Christian Estrosi, a demandé à la direction de « reprendre les discussions » autour de nouvelles propositions sur les conditions de reclassement des salariés.


Aujourd'hui, tout comme ST-Ericsson, la majorité des fabricants de semi-conducteurs installés en France sont en phase de restructuration. Alors que, l'année dernière, le fabricant NXP fermait son centre de production de Caen, repris depuis par la société Ipedia, des plans sont actuellement en cours chez E2V, Freescale - dont l'usine de Toulouse doit fermer d'ici à 2011 -ou encore Atmel, dont les salariés ont voté, le 1 er mars, la reprise du site par l'allemand LG Foundry, ce qui impliquera un plan de départs volontaires de 160 à 190 salariés, sur 700 employés. Enfin, l'incertitude reste de mise sur le site d'Altis à Corbeil-Essonnes, toujours en attente d'un repreneur suite au retrait annoncé d'IBM et d'Infineon, ses deux actionnaires. Pour l'heure, l'entrepreneur Yazid Sabeg est à la tête d'un consortium regroupant différents investisseurs, qui pourraient injecter 150 millions d'euros. Le projet devrait se finaliser d'ici à fin avril.

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Délocalisations et « fabless »

Si certains acteurs sont relativement épargnés par ce mouvement, -Soitec, STMicroelectronics... ) -, le phénomène s'accélère. En 2008, le chiffre d'affaires des adhérents du syndicat de la profession, le Sitelesc, comptabilisant la production effectuée en France, s'élevait à 3,871 milliards d'euros. Soit une baisse de 31,4 % par rapport à 2004. Une tendance accélérée du fait de la crise, puisque les premières estimations du Sitelesc s'orientent vers une baisse de 20 % des ventes en 2009. Et le mouvement est le même au niveau européen : nombre de fabricants (NXP, STMicroelectronics, ST-Ericsson…) ont réduit leurs effectifs depuis la crise pour aller en Asie (Taiwan, Singapour, Chine). Plusieurs raisons expliquent cette vague de délocalisations. Outre l'âge des usines françaises, qui sont centrées sur des technologies de plus en plus dépassées, le différentiel de coûts salariaux - 10 % des coûts de production -est un paramètre important, mais pas déterminant. « Le désavantage essentiel des fabricants européens par rapport à leurs rivaux asiatiques tient aux aides de l'Etat, notamment en termes de fiscalité », note Jérôme Ramel, analyste du secteur chez Exane BNP Paribas. Par exemple, la Chine exonère les entreprises d'impôts sur les sociétés pendant cinq ans. A Singapour et en Malaisie, la durée d'exonération varie entre cinq et dix ans… Autre raison de fond, l'aspect hautement capitalistique de la production de semiconducteurs : alors qu'une usine de fabrication coûte plusieurs milliards d'euros, nombre de fabricants préfèrent se concentrer sur la conception des produits, en sous-traitant la totalité de leur fabrication à de grands fondeurs taïwanais comme TSMC ou UMC. Et deviennent de fait « fab-less », « sans usine ».

Les fabricants européens s'estiment freinés par les règles de concurrence communautaires, qui surveillent de près les aides publiques. « Il n'y aura pas de redémarrage de l'activité en France et en Europe tant que ces règles européennes ne s'assoupliront pas », martèle Gérard Matheron, président du Sitelesc. Celui-ci salue certaines avancées, comme la suppression de la taxe professionnelle en France. Concernant l'élargissement du crédit d'impôt-recherche, les industriels pourraient être déçus puisque cette piste semble écartée dans les propositions que doit présenter aujourd'hui Nicolas Sarkozy dans le cadre des Etats généraux de l'Industrie. En attendant, ils se concentrent sur leurs atouts. Outre certaines niches - la jeune société Ipedia mise, par exemple, sur les composants passifs intégrés sur silicium -, leur salut viendra des technologies de pointe. Ainsi, sur le site de Crolles, près de Grenoble (voir carte ci-contre), ST mise, avec ses partenaires, sur des finesses de gravure croissantes : le programme Nano 2012 permettra de graver à 32 et à 22 nanomètres.

MAXIME AMIOT, Les Echos

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