23 novembre 2010

Fillon reprend la main sur le dossier nucléaire

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Airy Routier 22/11/10 à 07h35
L’augmentation de capital d’Areva fournira au Premier ministre l’occasion de montrer sa marge de manœuvre vis-à-vis des lobbies. Et de Nicolas Sarkozy.
Sous ses apparences anodines, le remaniement ministériel annoncé la semaine dernière risque d’avoir des conséquences importantes sur plusieurs dossiers industriels, à commencer par celui du nucléaire civil. D’abord parce que l’énergie, jusque-là traitée par Jean-Louis Borloo, quitte le ministère de l’Ecologie pour celui des Finances. Ensuite parce que Eric Besson, chargé de l’Industrie, est à la fois plus compétent et plus concerné que son prédécesseur, Christian Estrosi. Surtout parce qu’il est repris en main par François Fillon – plébiscité par les députés UMP et bénéficiant de sondages favorables – face à Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, qu’il a refusé de prendre dans son gouvernement et qu’il a l’intention de marginaliser.
L’enjeu principal est le rôle d’EDF dans la réorganisation de la filière nucléaire civile française. L’image du groupe public, qui avec 58 centrales en exploitation est le numéro un mondial, est ternie : jadis leader, il affiche désormais des taux d’utilisation des centrales inférieurs à la moyenne de ses concurrents, un manque à gagner évalué à 15 milliards d’euros depuis l’an 2000. Son président Henri Proglio, dont la nomination par Nicolas Sarkozy a été controversée, n’en a pas moins décidé de prendre le contrôle de la filière, en augmentant sa participation de 2,4 % à 15 % dans le capital d’Areva, le constructeur de centrales, contre le souhait de sa présidente, Anne Lauvergeon, pour qui cette intrusion serait de nature à faire fuir ses autres clients, concurrents d’EDF.

L’influence d’Alexandre Djourhi

Pour mettre la main sur Areva, Proglio a été puissamment soutenu par Claude Guéant et Jean-Louis Borloo, avec le soutien d’un homme d’affaires discret et influent, résident suisse, Alexandre Djouhri, très introduit dans les cercles du pouvoir. 
Tous les quatre ont même fait pression sur Nicolas Sarkozy pour remplacer Anne Lauvergeon par le chef d’entreprise Yazid Sabeg, commissaire à la Diversité et à l’Egalité des chances. Devant l’opposition de François Fillon, ils ont dû renoncer.
En même temps qu’EDF, les fonds souverains du Qatar et du Koweït, ainsi que le japonais Mitsubishi, ont manifesté leur intention de monter dans le capital d’Areva. Décalé à plusieurs reprises en raison des tiraillements gouvernementaux, le dépôt des offres doit intervenir aujourd’hui. Il sera peut-être repoussé, car le Qatar exige une participation directe dans les activités minières d’Areva, ce qui n’était pas prévu.
Autre problème, lui aussi autant politique qu’industriel : le partenariat avec Mitsubishi. La présidente d’Areva, qui sans ménagement avait écarté Siemens de son capital, est réticente à l’idée d’être flanquée d’un tel partenaire. Fournisseur des turbines des centrales nucléaires, Alstom est, lui aussi, vent debout à l’idée de dérouler le tapis rouge devant un de ses principaux concurrents mondiaux, y compris pour le matériel ferroviaire. Un refus partagé par Bouygues, l’actionnaire principal d’Alstom. Or on connaît les liens amicaux de Martin Bouygues et de Nicolas Sarkozy…

Bouygues et Proglio dans le rang ?

Comme la plupart des spécialistes du nucléaire, François Fillon est pourtant convaincu de la nécessité de créer des consortiums multinationaux, pour un optimum technologique, et afin de faire face aux besoins énormes de financement d’une activité politiquement controversée partout dans le monde. Siemens est associé aux Russes, et l’américain Westinghouse au japonais Toshiba : le Premier ministre pousse donc à un accord entre Areva et Mitsubishi.
François Fillon s’est battu discrètement contre ces hommes de réseaux que sont Borloo, Proglio et Guéant, auxquels s’ajoute François Roussely, auteur, à la demande de Sarkozy, d’un rapport sur la filière nucléaire, favorable à EDF. Borloo évincé, Guéant marginalisé, reste Henri Proglio et Martin Bouygues à faire entrer dans le rang. L’augmentation de capital d’Areva sera un bon test pour connaître l’ampleur du pouvoir du Premier ministre face aux différents lobbies. Et face à Nicolas Sarkozy.
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