Accord social chez PSA : vraiment gagnant-gagnant ?
L'accord approuvé par les syndicats prévoit des concessions de la part des salariés, mais aucune garantie sur l'emploi. Un contournement de la loi, selon certains juristes.
Après l'effort... encore l'effort. Alors qu'un plan de suppression de 11 000 postes en France est déjà enclenché, les syndicats de PSA valideront jeudi le "nouveau contrat social" proposé par leur direction. Les quatre organisations l'ayant déjà approuvé (CFTC, FO, CFE-CGC et le syndicat maison SIA) représentent 63% des salariés, soit bien plus que les 30% requis. L'opposition de la CGT ne suffira pas à bloquer l'accord, qualifié par cette dernière de "contrat antisocial".
L'ensemble des mesures doit permettre à PSA d'économiser 100 millions d'euros par an. Pour cela, les salariés sont appelés à des efforts en matière de rémunération (gel des augmentations en 2014, modération des primes...) et d'organisation du travail (mobilité, RTT contraintes...). En contrepartie, PSA s'engage à ne pas fermer de site en France jusqu'en 2016, à y fabriquer 1 million de voitures chaque année - niveau historiquement faible - et à lancer au moins un nouveau modèle dans chaque usine. En revanche, l'entreprise ne promet pas de conserver tous ses salariés.
A l'ancienne
Voilà qui ressemble furieusement à un "accord de compétitivité" comme il s'en est conclu plusieurs ces dernières années – notamment, à l'usine PSA de Hordain (Nord) et chez Renault. Le principe est toujours le même : en échange de concessions des salariés sur le temps de travail ou la rémunération, les dirigeants s'engagent à ne pas licencier, à maintenir la production ou à ne pas délocaliser l'entreprise. Les résultats, eux, sont variables : ils vont du redressement... à la fermeture malgré tout – comme dans le cas de l'usine Continental de Clairoix, en 2009.
Le problème avec ces deals sociaux est qu'ils ne sont pas, ou peu, encadrés. Y poser des limites était donc un objectif de l'accord sur l'emploi (ANI, accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l'emploi) de janvier 2013, traduit dans la loi en juin. Celle-ci a créé des "accords de maintien dans l'emploi" qui permettent, "en cas de graves difficultés économiques conjoncturelles", d'aménager la durée du travail, son organisation et sa rémunération. Principales nouveautés : un seuil d'approbation syndicale à 50% au lieu de 30% ; une durée maximum de deux ans ; et surtout, l'interdiction pour l'employeur de rompre un contrat de travail pour motif économique pendant la durée de l'accord.
Ce nouveau cadre reste contesté par certains syndicats, qui dénoncent un "chantage à l'emploi". Il est tout de même plus exigeant pour l'employeur, ce dont s'était d'ailleurs targué dans Libération le ministre du Travail, Michel Sapin : "Les accords de maintien dans l'emploi seront désormais strictement encadrés, avec des garanties fortes." Mais voilà : le cas PSA montre qu'il reste possible de négocier un accord "à l'ancienne", en demandant des efforts aux salariés sans s'engager sur leur durée ni sur le maintien des emplois.
En effet, le projet d'accord précise simplement qu'en cas de "retour à bonne fortune", et au plus tard en 2016, les partenaires sociaux se réuniront pour convenir des "évolutions" du dispositif. De quoi "interroger" le vice-président de la CFTC, Joseph Thouvenel : "J'ai constaté avec surprise qu'on se situait hors du cadre de l'ANI. Au moins cela démontre-t-il que cet accord est plus protecteur pour les salariés, contrairement à ce que l'on a pu dire." Du coté de PSA, on avance pour se justifier que ce "nouveau pacte social" est"beaucoup plus large qu'un accord de maintien dans l'emploi".
Desserrer la ceinture
"Il reste possible de conclure un tel accord hors du cadre défini par la loi, confirme un juriste spécialisté. Avec une différence de taille : si plus de dix salariés refusent la modification de leur contrat de travail, ils devront faire l'objet d'un plan de sauvegarde de l'emploi [plan social, ndlr], avec toutes les contraintes que cela implique pour l'employeur. Alors que dans le nouveau cadre issu de l'ANI, ils feraient l'objet de licenciements économiques individuels, moins lourds." Différence importante... sauf que, selon Anne Valleron, de la CFE-CGC, l'accord "n'entrainera aucune modification du contrat de travail" des salariés. Donc aucune possibilité pour eux d'en refuser individuellement les conséquences.
Alors comment justifier ce cadre commode pour PSA ? "Par les difficultés structurelles de l'entreprise, juge Patrick Pierron, qui a représenté la CFDT dans la négociation de l'ANI. La loi dit que les accords de maintien dans l'emploi valent pour les seules difficultés conjoncturelles, passagères. Là, on est sur un cas plus lourd qui engage la survie de l'entreprise : il faut un électrochoc." Pour le juriste Grégoire Loiseau, "le législateur a clairement voulu poser un cadre unique, et réservé aux difficultés conjoncturelles".
A PSA, le délégué CFDT Ricardo Madeira a été le seul à plaider pour l'application de l'ANI. "On peut sauver des usines tout en les vidant, déplore-t-il. Avec un accord de maintien dans l'emploi, il y aurait eu des sacrifices, pas de suppressions de postes. Et au bout de deux ans, on aurait pu desserrer la ceinture". De fait, au chapitre emploi, l'accord ne fait aucune promesse. Au contraire, il confirme et détaille plusieurs mesures reposant sur le volontariat (mobilité externe, retraites anticipées...) qui permettraient "d'adapter sans délai les effectifs de PSA" si besoin. En clair, si la fabrication de certaines voitures est délocalisée.
Le patron, Philippe Varin, a en effet décidé de positionner Citroën (hors gamme DS) sur le bas de gamme. Résultat : le prochain modèle sera fabriqué en Espagne. Si rien n'a été annoncé pour les suivants, les syndicats redoutent que les successeurs low-cost de la citadine C3 et de la compacte C4 soient à leur tour délocalisés. "Avec la fin de la C3 actuelle en 2016, l'usine de Poissy va perdre une ligne de production, pronostique le délégué CGT Jean-Pierre Mercier. Et Mulhouse sans doute aussi avec l'arrêt de l'actuelle C4."
Y a-t-il un risque que les effectifs soient encore réduits durant la période d'application de l'accord, au moyen des mesures sur le volontariat ? "J'espère que non, il est justement prévu pour les éviter", réagit Franck Don, représentant de la CFTC. Bien que sa centrale a signé l'ANI, le syndicaliste ne se formalise pas de sa non-utilisation : "Je trouve notre accord plus favorable encore que l'ANI puisqu'il exclut, lui, les mobilités forcées. De toute facon, si on ne fait rien, c'est tous les salariés qui partiront." Un argument qui pourrait être repris dans d'autres entreprises pour contourner une loi trop exigeante à leur gout.
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